12 janvier 2016 : cérémonie des vœux

Discours du président de l'Université de Strasbourg prononcé le 12 janvier 2016 lors de la cérémonie des vœux à la communauté universitaire.

Seul le prononcé fait foi.

 

Monsieur le Président de notre «  Eurorégion »

Monsieur le Président de l’Eurométropole de Strasbourg,

Madame la vice-présidente de l’Eurométropole

Mesdames, Messieurs les représentants des établissements associés,

Monsieur Alain Colas, administrateur de la BNU

Monsieur Jean-François Quéré, directeur de l’ENGEES

Monsieur Christian Chazal, Directeur du CROUS de Strasbourg,

Monsieur le Président de la Fondation entente franco-allemande,

Mesdames et Messieurs les présidents honoraires de l’Université de Strasbourg,

Mesdames messieurs les vice-présidents de l’Unistra

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

Chers étudiants

Chers amis

 

Le sens de cette cérémonie, c’est d’abord et avant tout celui la rencontre. Car vous le savez, ce qui fait la force d’une université, ce sont les femmes et les hommes qui la composent. Je veux donc commencer par le plus important : je souhaite à chacune et chacun, bonheur et satisfaction dans votre vie personnelle, et une pleine réussite pour vous et votre entourage. Je vous souhaite la santé, je vous souhaite des sourires et des joies, je vous souhaite beaucoup de bonheurs partagés. C’est peut être banal, mais c’est essentiel. Car notre université rassemble 50 000 personnes, qui aspirent toutes à vivre une vie selon leurs désirs. Alors j’espère que travailler à l’université participe un peu à votre bien être, vous apportant un travail qui a du sens, et peut être même un idéal.

Votre présence chaque année, malgré la frugalité du cocktail, démontre si besoin était que cette cérémonie a du sens, pour vous et moi. Mais elle prend cette année un aspect très particulier.
D’abord, comme on l’entend d’ailleurs ces derniers jours dans toutes les cérémonies de vœux, cette cérémonie est particulière parce que nous sortons d’une année difficile, complexe, éprouvante, cruelle même.
Ce que je voudrais donc souhaiter avant tout, c’est que nous en soyons réellement sortis, que nous n’ayons pas à traverser collectivement ou personnellement une nouvelle épreuve de ce genre.
Mais aussi, cette cérémonie est particulière parce que ce sont les derniers vœux que je vous adresse. Mais attention, pour moi, ce ne sera pas une année en roue libre, mais bien au contraire une année qui me laisse encore plus l’opportunité d’agir, de travailler, de pousser certains dossiers, certaines réformes. Oui, chers collègues, chers amis, j’ai bien l’intention d’assumer ma charge de président jusqu’au dernier jour !

Je vous propose donc de faire le bilan d’une année écoulée, et d’annoncer les projets de l’année qui vient. Mais je vous propose aussi d’aller plus loin, d’élargir notre regard. Comme nous y invitent Marc Bloch et Fernand Braudel, élevons-nous au-dessus de l’immédiat, du temps court, de l’événement sur l’échelle de l’année. Aujourd’hui je voudrais donc aussi étendre notre regard au temps long, cette composante indispensable du temps universitaire : regarder un peu plus loin en arrière, mais aussi envisager l’avenir bien au-delà de l’année qui commence.

Que retenir donc de cette année 2015 ?
Comme je l’ai dit, c’était une année douloureuse, particulière. J’oserai dire cependant que ce qui est arrivé peut nous faire grandir. Sans ressasser, sans vivre dans l’inquiétude, il ne faut rien oublier et nous efforcer à une plus grande vigilance sur la défense de nos valeurs. Si nous y parvenons, les terroristes auront perdu leur bataille, en nous renforçant dans nos convictions au lieu de nous affaiblir.
Un an presque jour pour jour après l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo, je rappelle qu’en attaquant la liberté d’expression, on a touché aux fondements même de l’université, et à quel point cela nous a bouleversés et mobilisés d’une manière exemplaire. Il nous faut rester dans cet état d’esprit.
Mais attention, se mobiliser, c’est toute l’année. Sur le temps court, vous avez été exemplaires ! Le 11 janvier 2015, la place Kléber noire de monde, des milliers d’universitaires dans la foule. Le 16 novembre 2016, le Palais U n’a pas pu accueillir tous ceux qui voulaient manifester leur solidarité et leur indignation. Une semaine plus tard pour la commémoration du sacrifice de nos camarades de novembre 1943, a pris une dimension particulière. Mais restons vigilants: l’événement, l’instant ne suffisent pas : il faut persévérer sur le temps long qui, lui, nous fera véritablement avancer !

Cette approche sur le long terme se traduit concrètement, par exemple, par notre engagement, via le contrat de ville qui nous associe à la Ville de Strasbourg, à intervenir aux côtés de la collectivité dans les quartiers, d’y apporter des animations culturelles, de l’aide aux devoirs, l’implication des associations étudiantes. Car, nous universitaires, nous sommes convaincus que le savoir, l’éducation, la formation de l’esprit critique sont la meilleure façon de lutter contre tous les obscurantismes. Contre le prêt-à-penser il faut transmettre l’envie de comprendre, de savoir. Contre les certitudes sourdes et aveugles, il faut apporter ce que l’université sait faire le mieux : poser, encore et toujours des questions avant d’apporter des réponses.

De cette année 2015, je garderai aussi en mémoire des éléments aussi divers que

  • notre mobilisation pour accueillir les réfugiés du Moyen-Orient ; 
  • l’ouverture et l’appropriation de ce beau cadre de vie que représente le parc central ouvert sur la Cité ;
  • l’affirmation de notre rayonnement international avec la nouvelle Maison universitaire internationale ; 
  • et de nombreuses réussites dans la recherche : prix, classements, publications, nouveaux équipements. Alors pas de fausse modestie : notre université rayonne vraiment par son activité scientifique.

Et comme je vous le disais, ce bilan n’est pas celui que de l’année 2015. Parce que justement nous construisons sur le temps long, c’est aussi le fruit d’un travail de tous, sur de nombreuses années.
2009 – 2016, l’Université de Strasbourg qui nous rassemble a franchi le cap des 7 ans. C’est l’âge dit de raison, l’âge auquel on s’affirme et où l’on dessine sa propre voie. Nous devons aussi regarder ensemble le cheminement qu’a suivi l’Université de Strasbourg sur ce temps long, pour être ce qu’elle est aujourd’hui, et ce qu’elle aspire à devenir dans les années à venir.
En 2009, notre ambition s’énonçait ainsi (je cite) : « Nous voulons relever le défi d’une excellence qui ne se construira pas en opposition avec la mission d’accueil de tous les étudiants, mais en la prenant en compte. Dans le cadre des missions qui lui sont assignées par la loi, l'Université de Strasbourg entend porter à leur plus haut niveau les valeurs de qualité de la recherche scientifique, d'excellence des formations et d'ouverture sur son environnement sociétal. Cette triple exigence implique l’affirmation de la richesse et du potentiel d’innovation portés par une interdisciplinarité complémentaire d'ancrages disciplinaires forts, et vigilante quant à sa cohérence globale. (…). Elle commande également de traduire dans les activités de formation les meilleures pratiques issues de la recherche, afin d'apporter à ses publics en formation initiale et continue l'esprit critique, l'ouverture intellectuelle et les compétences nécessaires à une bonne insertion professionnelle dans un monde en mutation permanente. Elle repose enfin sur le respect dû à chacun dans sa capacité à réaliser ses différentes missions. »
A la lumière de cette citation j’ose dire que nous avons réussi ! Cette réussite est celle de chacun et chacune d’entre vous. L’Université de Strasbourg vous doit l’attractivité et le rayonnement dont elle jouit. Ce sera, aux yeux de l’histoire, votre réussite, gagnée au quotidien..

Cette réussite s’est construite et se construira en s’appuyant sur trois valeurs fondatrices que sont l’exigence, la solidarité et la confiance.
L’exigence, pour tendre vers l’excellence, est intrinsèque à la démarche scientifique qui porte toute activité de recherche; elle anime également avec force notre mission de formation. C’est bien en ce sens que nous avons voulu que l’Initiative d’excellence profite autant à la recherche, qu’aux innovations en matière de formation. Le bilan, de ce point de vue est très positif.

La solidarité quant à elle implique plusieurs types d’engagements :
D’abord celui de considérer l’égale importance de toutes les disciplines et de leur assurer une même perspective de développement. L’IdEx a, de ce point de vue, été décisif pour permettre à toutes les disciplines, sans exclusion, d’explorer des thématiques innovantes et de promouvoir une féconde interdisciplinarité.
La solidarité s’est également concrétisée dans les efforts consentis par les uns et les autres pour parvenir à une meilleure maîtrise de nos dépenses et retrouver ainsi quelques marges de manœuvre. Je voudrais là aussi remercier toutes celles et ceux qui ont travaillé solidairement pour faire face au contexte budgétaire toujours difficile. Si nous sommes en mesure de faire face aujourd’hui, nous le devons assurément à votre sens des responsabilités, à votre savoir-faire, et à votre solidarité.

La solidarité a aussi sa place dans nos relations quotidiennes entre collègues, entre services. Par-delà les différences qui font notre richesse, la solidarité et le respect mutuels ne compromettent pas la vitalité de notre université, ils la stimulent.

Le troisième principe sur lequel nous fondons notre action est la confiance. D’abord et avant tout, confiance dans les étudiants que nous formons, parce qu’ils sont, tout simplement, notre avenir. La confiance aussi dans les avancées de la recherche, la confiance dans ce rôle essentiel de la recherche à tous les niveaux. La confiance enfin dans l’avenir et dans notre capacité à répondre aux attentes de la société. Ces attentes sont nombreuses, dans une société désorientée. Sachons y répondre avec lucidité et intelligence, sachons contribuer à restaurer cette confiance.


Quels seront les dossiers prioritaires pour 2016 ?
Ils seront nombreux… D’abord, nous devons réussir le renouvellement de l’IdEx. L’IdEx, c’est d’abord un financement supplémentaire significatif, mais surtout plus souple, qui nous permet d’être plus rapides, plus innovants, de nous moderniser. Mais au-delà des moyens supplémentaires qu’il nous octroie, l’IdEx est aussi un label prestigieux, qui atteste de nos performances globales.
Nous avons rendu le dossier d’évaluation fin décembre, et préparons notre audition par le jury en avril. Je pense que l’été prochain, nous saurons si notre IdEx est prolongé, et à quelles conditions financières. Nous serons jugés certes sur nos résultats, mais probablement plus encore sur une stratégie cohérente, lisible et fiable. On ne peut évidemment préjuger de rien, mais je crois que nous pouvons aborder cette étape avec confiance.

Cette année 2016 nous fêterons comme il se doit le Campus européen, via une inauguration organisée ici même en avril. Cet événement fera suite à la signature, le 9 décembre dernier, des documents constitutifs du groupement européen de coopération territoriale. C’est une structure de droit européen qui va nous permettre de véritablement transcender les frontières, de travailler de manière originale, efficace et simple avec nos voisins allemands et suisses. Outil technique bien sûr, mais avant tout outil politique, témoignage de notre foi en l’Europe, et de notre conviction inébranlable que c’est à l’université que, prioritairement, l’Europe se construit.
Toujours sur le plan international, j’ai l’intention, comme président de la Leru, de promouvoir encore un certain nombre de dossiers, notamment l’Open access des données de la recherche, qui me tient particulièrement à cœur. À l’Unistra, cette année sera placée sous le signe du Japon, avec l’objectif de resserrer les liens avec les universités de Kyoto ou Nagoya, par exemple. Nagoya étant par ailleurs un partenaire de l’Université de Freiburg, on reboucle la boucle !

Parallèlement, la structuration du site alsacien de l’enseignement supérieur et de la recherche se poursuit avec l’intégration dans le groupe d’établissements associés de la Haute école des arts du Rhin (Hear), à sa demande.

Nous allons aussi parachever la nouvelle maquette de formation, et la structuration des unités de recherche, en préparation de notre nouveau contrat quinquennal. Cet exercice est tout sauf un exercice technique ou une corvée administrative. Il permet de se remettre en cause, de se questionner, mais aussi d’élaborer des projets sur le temps long, pour 5 années...ou plus ! Je veux remercier tous ceux qui, très nombreux, sont engagés sur ces chantiers fondamentaux pour l’avenir de notre université.
Concernant la formation, je voudrais réaffirmer ma détermination sans faille à poursuivre le chantier de l’évaluation continue intégrale. Il ne s’agit pas de polémiquer, il s’agit tout simplement d’affirmer qu’il nous faut aujourd’hui des examens qui ne soient plus des épreuves sanction mais de vrais outils pédagogiques à part entière. Bien sûr, nous le ferons dans le strict cadre de la législation actuelle, comme cela est d’ailleurs le cas aujourd’hui. C’est donc bien sur le plan politique, au plus haut niveau, que je compte faire porter le débat. Je le ferai avec détermination, car je sais pouvoir compter sur l’appui de la très grande majorité de la communauté des enseignants et des étudiants.

Enfin une évolution importante concernera cette année nos relations avec les collectivités territoriales, et je salue la présence du président de la Région et du président de l’Eurométropole. Cette double présence est un signe fort, celui de la relation renouvelée et fructueuse entre l’université et les collectivités.
Nous devrons apprendre à travailler dans ce nouveau cadre de la nouvelle Région du Grand-est, au côtés de nos nouveaux partenaires les universités, de Reims Champagne Ardennes, de Lorraine et de Troyes, et bien sûr de l’UHA. Il y certes quelques inquiétudes, comme la future place du contrat de plan Etat région ou l’avenir des dispositifs actuels de soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les universités de la Région se sont déjà mises au travail, les équipes présidentielles se sont rencontrées à diverses reprises, ainsi que les vice-présidents sur des thèmes comme la recherche, le numérique, la formation ou les bâtiments, pour n’en citer que quelques-uns . Ce que nous souhaitons, cher Président Richert, c’est rappeler que les universités, et singulièrement l’université de Strasbourg, sont l’un des atouts essentiels de cette nouvelle région, atouts de sa visibilité, de son dynamisme, de son potentiel pour l’avenir, et donc des partenaires incontournables de la collectivité régionale. Je sais que vous en êtes vous-même convaincu, mais je tenais à l’affirmer à nouveau ce matin.

Un autre partenaire clé des universités aujourd’hui, ce sont les métropoles. Le double partenariat avec l’Eurométropole et le pôle métropolitain Strasbourg-Mulhouse est une clé majeure de cette complémentarité, de cette synergie. Je salue là aussi la volonté de l’Eurométropole d’associer très en amont l’université à sa stratégie de développement et à son image.
Ces partenariats avec les collectivités se situent très naturellement dans l’esprit que j’évoque aujourd’hui. D’abord en ce qui concerne le temps long puisque, pour obtenir des résultats, il faudra regarder plus loin que les mandats électifs, le mien, mais aussi le vôtre … !
Un tel partenariat se fonde aussi sur ce triptyque d’exigence, de solidarité et de confiance. Cher Philippe, cher Robert, chère Catherine, votre présence aujourd’hui démontre, si c’était nécessaire, que ce sont des valeurs partagées. Merci !

Le dernier projet dont je voudrais vous parler est aussi un projet à long terme, qui démarrera cette année, mais vise à construire lui aussi sur le temps long.
Sept ans après la fusion, l’université de Strasbourg existe, elle est visible, reconnue, admirée même quelquefois. Mais une université comme la nôtre, riche de 37 composantes, de 84 laboratoires, de 35 services, de 5000 personnels et 46000 étudiants, est par nature très diverse. Alors comment concilier cette complexité naturelle avec une identité visible, lisible? Comment se retrouver dans une identité partagée sans simplifier à l’excès ? C’est pour cela que j’ai souhaité lancer, avec le soutien de l’IdEx, le projet « Identités complexes ».
Car le problème est complexe ! Parce que notre université est unique, diverse, multiple, foisonnante, notre représentation ne peut se résumer à une marque, car l’université n’est pas un simple produit à vendre.
Cette complexité procède de cet espace de liberté qu’on nous envie de l’extérieur. En même temps nous pouvons avoir une légitime fierté de notre appartenance à cette communauté ; même formée de farouches individualistes, l’université sait se montrer unie, solidaire et visible. Elle l’a fait en 1943, elle l’a fait en 2015. Elle doit aussi le faire au quotidien, sur le temps long, et ca doit se voir.

Ce grand chantier vise précisément à nous donner les outils de cette cohésion au service de plus de lisibilité et d’intelligibilité.

Dès février, nous allons commencer à mettre en place ce nouveau système d’identification, avec des services, des composantes et des laboratoires pilotes, pour se déployer en plusieurs phases et sur plusieurs années. Là aussi le temps long est essentiel, parce que c’est le temps le temps de la connaissance et de l’appropriation.

Vous l’avez compris, si je veux terminer mes vœux par cette annonce, c’est bien parce qu’elle représente bien plus que l’aboutissement d’une banale stratégie de communication.

En inventant une nouvelle typographie, une police de caractère Unistra, nous exprimons et reconnaissons la place des savoirs, la place du texte dans les connaissances. Oui, nous avons la prétention d’inventer ensemble un nouveau langage visuel, une langue commune pour nous comprendre et pour être compris, pour relier et nous mettre en relation. Ce faisant, nous ne sacrifions pas au repli identitaire Donner forme à notre identité, c’est l’affirmer d’emblée complexe, et donc irréductible à toute simplification exclusive.

Puis-je alors me référer à Edgar Morin, celui qui, théorisant la pensée complexe en tire une éthique jubilatoire de l’existence ?
« Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot "complexus", "ce qui est tissé ensemble". Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. »
Est-il meilleur et plus ambitieux programme pour notre université ?
Je vous souhaite donc une année tissée de liens forts et durables, de ponts jetés les uns vers les autres, une année de frontières dépassées, une année riche de nos solidarités et nourrie de notre confiance, de notre confiance en l’université !

Bonne année à toutes et à tous !


Alain Beretz

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