Le sport est le même, mais l'esprit et le contexte totalement différents. Au green onéreux, les street golfeurs préfèrent l'asphalte et le bitume, libre et gratuit. Né à la fin des années 1990 à Berlin, le golf des rues a été « inventé » par les golfeurs eux-mêmes, lassés des contraintes du green. Ils se sont mis à jouer dans les friches, entrepôts désaffectés et toits d'immeubles. Depuis, la discipline gagne toutes les villes, y compris Strasbourg depuis une dizaine d'années.
« Grisant »
« Dans le street golf, il n'y a pas de trous, mais des objectifs, que nous appelons spots : bornes électriques, panneaux, poubelles, bancs, lampes, pot de fleurs... Nous utilisons des balles spéciales, semi-rigides, en mousse de polyuréthane, sans danger pour les équipements et les personnes, il y a zéro risque » explique Matthieu Merle, 37 ans, infographiste, membre de l’équipe Stras Invaders. Il a découvert la pratique il y a cinq ans, sur l'invitation d'un ami. Il a été instantanément conquis. « J'ai toujours été hermétique au golf, que je trouvais élitiste et très cher. Mais quand j'ai touché ma première cible, une poubelle située à 20 m, j'ai trouvé ça grisant ! » Depuis, il a initié sa compagne, des amis et d'autres personnes. « C'est viral » dit-il.
Mis à part les balles, les clubs et les règles sont les mêmes. Enfin, presque. Les joueurs définissent eux-mêmes les objectifs et le nombre de coups pour les atteindre. En compétition, le parcours comprend neuf spots à toucher, au lieu de 18 trous. Et le street golf se joue davantage en équipe, là où le golf se joue en individuel. Ce qui confère à la discipline une ambiance très conviviale, joyeuse. « L'esprit du street golf, c'est le respect, la courtoisie, l'honnêteté et la convivialité », lit-on sur le site de Balles perdues, l'un des groupes de Strasbourg. Ce que confirme Matthieu. Ils tiennent à ne pas monopoliser l'espace public, ne pas être invasifs au détriment des autres habitants. Ils font aussi attention au mobilier urbain, aux équipements, aux passants et aux voitures.
Une compétition à l'Esplanade
C'est pourquoi ils aiment jouer sur les campus : de vastes espaces, avec des cibles diversifiées, sans voitures et peu fréquentés les soirs, les week-ends et pendant les vacances. Ils s’y retrouvent à deux, trois, quatre, ou cinq : sur le campus de l'Esplanade, après 18 h 30, notamment près de la Faculté de droit, ou encore près du pôle API (ESBS, Télécom Physique, ICube), de l’IUT Robert-Schuman et de la Faculté de pharmacie, dans le parc du campus d'Illkirch. « C’est plaisant, il y a une diversité d’espaces : terrains de foot, petites allées bétonnées, porches, petits bâtiments franchissables… Une configuration architecturale sympathique », sourit-il. La compétition annuelle strasbourgeoise, l'East Cost Streetgolf Contest, y a même été organisée, en 2013, près de la Faculté de droit, par Balles perdues.
Pour les joueurs, le street golf permet de découvrir l'essence du golf, c'est une démocratisation. C'est aussi une autre manière de voir l'espace urbain et de se l'approprier. Matthieu, lui, ne le regarde plus de la même façon : « On devient beaucoup plus curieux, on a tendance à scruter, à l’affût de nouveaux spots ». L’esprit est proche du street art, il s’inscrit dans les cultures urbaines.
Les joueurs sont trentenaires, de 28 à 42 ans en moyenne d’âge, avec un peu plus d’hommes que de femmes. Le plus jeune a 13 ans, le plus âgé, 69 ans. Avec une centaine d’amateurs et une trentaine de pratiquants réguliers, Strasbourg serait la troisième ville de France en nombre de street golfeurs. On l’aura compris, le sport est libre, gratuit, convivial, sans danger et se joue sur le campus. À vos clubs !
Stéphanie Robert