« J’étais plus réformiste que révolutionnaire. Nous avions envie de changer l’université qui craquait de tous les côtés, d’avoir plus de travaux dirigés, participer de manière forte aux instances de direction. Le terme de « blocage », je n’arrive pas à l’employer pour Mai 68, il y avait de la discussion, ce n’était pas l’idée de fermer les choses. C’est un mouvement plus libertaire, égalitaire », raconte Richard Kleinschmager qui a animé quelques conseils étudiants à Sciences Po.
Une nuit totalement improvisée au Palais U
Nuit totalement improvisée passée au Palais U, assaut subi par les CRS... le retraité marqué par le côté massif des manifestions ne manque pas d’anecdotes : « Les étudiants avaient élu un nouveau doyen de la faculté de lettres : Célestin, un clochard qu’ils avaient installé dans son bureau. L’histoire raconte que le vrai doyen de la faculté, Georges Livet a un jour toqué à la porte en demandant « Vous permettrez cher collègue que j’emprunte ce dossier. » L’ambiance était à la fois festive et sérieuse. »
Richard Kleinschmager évoque aussi un moment sur le pont de Kehl où les étudiants tentent de faire passer la frontière à Daniel Cohn-Bendit. « Des étudiants allemands étaient venus de Fribourg, il y avait comme une espèce de fraternisation internationale. » Après Mai 68 Richard Kleinschmager décide d’arrêter ses études pendant un temps avant de reprendre un cursus en géographie pour devenir enseignant-chercheur puis doyen de la faculté de géographie et enfin Vice-président de l’Université Louis Pasteur. « Sur le coup Mai 68 n’a pas changé grand-chose, il y a même eu une reprise en main avec une période de répression, le changement d’état d’esprit est venu progressivement. Beaucoup d’étudiants sont partis rejoindre des communautés, il y a eu comme un désaxement. Je suis peut-être devenu universitaire plutôt que haut-fonctionnaire à cause de Mai 68.»
Propos recueillis par Marion Riegert