Souvenirs de Mai 68 : « Comme Fabrice à Waterloo dans la "Chartreuse de Parme" »

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07/05/2018

Devant le Palais universitaire. Crédit : Photos Europ Flash/Alfred Haeffele
Devant le Palais universitaire. Crédit : Photos Europ Flash/Alfred Haeffele

« L’étudiant, après le policier et le prêtre est l’être le plus universellement méprisé », cite d’emblée Jean-Christophe Pellat évoquant une brochure des situationnistes intitulée « De la misère en milieu étudiant » parue en 1966. « La particularité de Strasbourg était d’avoir des situationnistes en Mai 68, qui animaient le mouvement des étudiants avec les Jeunesses communistes révolutionnaires, trotskistes. Je les ai rencontrés et côtoyés, ils étaient charmants. » A l’époque, Jean-Christophe Pellat avait 20 ans. En deuxième année de lettres classiques, il se décrit comme « un petit étudiant curieux. » 

Lorsque la suppression des examens de juin est actée, beaucoup d’étudiants sont rentrés chez eux, mais pas Jean-Christophe Pellat, resté jusqu’au bout en tant qu’observateur « comme Fabrice à Waterloo dans la « Chartreuse de Parme ». J’avais envie de comprendre le milieu universitaire et la situation politique, les forces en présence, c’est très intéressant et enrichissant », souligne ce professeur émérite et ancien doyen de la faculté des lettres qui a assisté aux soirées « chaudes » du Palais U durant lesquelles les discussions allaient bon train.

Un enseignant universitaire ne doit jamais se prendre au sérieux 

« Tout était bloqué, il n’y avait plus de cours à l’Esplanade, plus rien. » Le chercheur se souvient d’une nuit passée au Patio où il s’était porté volontaire pour effectuer un tour de surveillance. « C’était très calme, on refaisait la France. Il y a juste eu à 2h du matin des situationnistes qui ont allumé un feu dans l’aula avant de l’éteindre. » Autre souvenir : « des étudiants avaient lancé l’idée de l’autonomie de l’université, le ministère leur a dit « chiche » et finalement après des heures de discussions, ils ont abandonné l’idée. »

Sans oublier l’histoire de l’attaque du Palais U : une manifestation gaulliste était partie de la place Kléber. Arrivée place de la République, les manifestants voient un drapeau rouge flotter sur le Palais U fermé de l’intérieur par les étudiants. « Provocation ultime qui les fait foncer sur le bâtiment en hurlant. Ils ont lancé quelques pierres et cassé quelques vitres. Ça s’est terminé au bout d’une heure. » Fin juin tout le monde est parti en vacances et les étudiants ont finalement passé des examens allégés en septembre. « La leçon de Mai 68 qui pour moi a été un événement international, c’est qu’un enseignant universitaire ne doit jamais se prendre au sérieux », conclut Jean-Christophe Pellat, qui a participé aux premières élections des étudiants aux conseils de l’université.

Propos recueillis par Marion Riegert

Ce témoignage fait partie d'un dossier « Souvenirs de Mai 68 ».

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Une exposition à la Bibliothèque nationale et universitaire

L’Alsace de 1968 n’a pas échappé au vent de la contestation. Crise de l’université, scandale situationniste à Strasbourg (nov. 66-avr. 67), Mai 68 et les étudiants, le printemps social alsacien, la riposte gaulliste, les luttes de l’après-mai, à travers un parcours en 6 étapes, l’exposition de la Bibliothèque nationale et universitaire « Mai 68 en Alsace » revient sur cette période troublée. Rendez-vous du 28 avril au 07 octobre à la BNU, 6 place de la république. Entrée libre.

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