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29/03/18
Issus des quartiers populaires, dix jeunes élèvent leur voix dans les locaux de Sciences Po. Initiés aux joutes verbales par deux étudiants de l'École des jeunes orateurs de Sciences Po Strasbourg, ils viennent perfectionner leur éloquence.
Ils font tous partie d’un nouveau web-média collaboratif et affichent fièrement leur logo jaune vif « SP3AK3R », à prononcer « Speaker ». Nora Tafiroult, Hakim El Hadouchi et Gwenaël Bertholet, cofondateurs de ce média, nous en racontent la genèse. « Ce qui m’a donné envie de développer ce projet, c’est de voir qu’il y a des gens auxquels on ne s'intéresse pas du tout. Les gens des quartiers sont plutôt invisibles, même si les médias traditionnels parlent beaucoup d’eux, avec un biais évident », déplore Nora. SP3AK3R fut alors lancé en 2016, grâce au financement de la Ville de Strasbourg, mais aussi à l’appui de Faïza Zerouala, journaliste à Mediapart et de Nordine Nabili, ex-directeur du Bondy Blog*. Seulement, avant de produire du contenu, les jeunes doivent se former.
Un pont entre Sciences Po et les quartiers ?
SP3AK3R manquait d’un exercice à la prise de parole. Aujourd’hui Geoffrey Grandjean et Maxime Cléret, vice-président et président de l’association École des jeunes orateurs de Sciences Po Strasbourg animent bénévolement l’atelier et nous parlent de leurs motivations. « Sortir les étudiants de Sciences Po est très compliqué. On est enfermés dans notre bulle et c’est dommage », regrette Geoffrey. « L’école des jeunes orateurs a décidé de s’ouvrir vers l’extérieur ; aussi pour que les gens de Sciences Po rencontrent les gens de SP3AK3R », poursuit Maxime.
Tous en cercle, l’échauffement débute. Les étudiants de l’IEP Strasbourg lancent un cri ou un virelangue. Elias, Youness, Khaoula, Bayane ou Nadhir l’un après l’autre l’amplifient. Au programme aujourd’hui : écrire un discours et le prononcer face à l’assemblée. La timidité du premier atelier est passée. Ce matin, après un temps d’écriture en silence, tous se lèveront pour le déclamer. Durant sa représentation, Emre, 20 ans, ne pose pas un regard sur ses notes : « Dans le documentaire À voix haute, j’ai vu des jeunes de banlieue défendre des sujets avec ferveur, c’était impressionnant. Ensuite j’ai entendu parler de cet atelier, ça m’a donné envie. C’est pour cela que je suis en face de vous aujourd’hui ! »
D’autres auront moins d’aisance et parlent à toute vitesse. Maxime invite à se détendre : « Ralentis ton débit », « Respire ». Les applaudissements de l’assemblée encouragent et félicitent. Maxime et Geoffrey posent un œil attentif et bienveillant sur leurs prestations. Leurs phrases guident et rassurent. « Nous sommes d’abord là pour leur montrer qu’ils en sont capables », nous confient-ils. L’enjeu est grand, ces jeunes défendront leurs opinions lors du concours d’éloquence organisé à l’espace Django-Reinhardt, au Neuhof. Maxime est confiant : « Comparé au dernier atelier, vous êtes montés en puissance ! »
Le concours n’est qu’une étape sur le parcours de ce collectif. Depuis 2016, ses membres s’exercent déjà à l’écriture d’interview et au montage vidéo et photo. SP3AK3R ne se limite pas au Neuhof. « Peu importe d’où ils viennent, c’est ce qu’ils ont à dire qui est important. On veut être un outil, pour les habitants, pour les jeunes, pour s’exprimer », insiste Hakim. « On va poser nos caméras, et prendre nos stylos pour essayer d’aller voir ce qu’est la réalité des quartiers », assure Nora.
Elle conclut « Ramener des jeunes du Neuhof à Sciences Po et ramener les jeunes de Sciences Po aux quartiers, c’est très simple. Il faut juste avoir envie de le faire. » Reste à savoir si Maxime et Geoffrey arriveront à convaincre leurs camarades de se rendre nombreux à l’espace Django pour assister aux joutes, le 19 avril.
Matthieu Durey
* Média créé en Seine-Saint-Denis, pendant les émeutes de 2005.